En quête de sens ? Besoin de redonner de la valeur à votre travail ? Pour Sylvaine Pascual, cofondatrice d’Ithaque Coaching, tout part de vous…

Dans son ouvrage Donner un sens au travail paru en 2006, Estelle M. Morin, professeure titulaire à HEC Montréal en psychologie appliquée au management et au développement organisationnel, décrit le travail comme “une activité par laquelle une personne se définit, s’insère dans le monde, actualise son potentiel, et crée de la valeur, ce qui lui donne, en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à sa vie”. D’après elle, le sens du travail repose sur trois critères : “La signification du travail, [sa] valeur aux yeux du sujet et la définition ou la représentation qu’il en a ; la direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions ; l’effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, entre ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’il pose quotidiennement dans le milieu de travail.”

Nous avons demandé à Sylvaine Pascual, cofondatrice Ithaque Coaching, spécialisée en reconversion professionnelle, son avis sur cette notion de plus en plus au centre des préoccupations des salariés. Elle nous livre également ses conseils pour redonner du sens à son job.

Management : Comment définir la notion de « sens » en matière de travail ?

Sylvaine Pascual : La subjectivité joue un rôle primordial dans l’appréciation d’une activité professionnelle. Il est toutefois possible de tracer les grandes lignes de ce qui, pour la majorité des salariés, correspond à un « job qui a du sens ». Il permet notamment de se sentir utile par l’accomplissement d’une tâche importante à nos yeux, même si elle semble anodine pour d’autres. Il contribue au développement individuel dans le respect d’autrui. Enfin, il procure du plaisir, car il comble des aspirations et valorise un savoir-faire.

Ni la profession ni la fonction occupée n’auraient donc à voir avec le fait de trouver du sens à son travail ?

Non ! A priori, tous les métiers ont du sens : contrairement aux idées reçues, on peut exercer un métier absolument vide de sens dans le secteur de l’économie sociale et solidaire ou de l’artisanat, et, inversement, trouver du sens dans la conception de rétroviseurs ou dans la vente de produits financiers ! J’ai ainsi rencontré une ingénieure spécialisée dans le traitement et l’assainissement des eaux usées qui était véritablement passionnée par son métier alors qu’elle avouait, avec beaucoup d’humour, « travailler dans la merde ».

Quelle est la place de l’environnement professionnel dans cette perception ?

Si ni l’employeur ni le manager ne donnent du sens au métier, il leur revient de créer les conditions nécessaires pour que le salarié ou le collaborateur lui en trouve. D’où l’importance d’une hiérarchie ouverte, bienveillante, communicante et transparente.

Est-il indispensable de trouver du sens à son métier pour bien le vivre ?

Pas du tout. De nombreuses personnes placent de bonnes conditions de travail en tête de leurs préoccupations. Certains considèrent leur métier comme un simple emploi, et s’efforcent de trouver du sens ailleurs. Il est avéré, en revanche, qu’exercer un métier qui a du sens est source d’un épanouissement profond, d’engagement et d’efficacité.

Question perverse : si le sens au travail implique le respect des valeurs humaines, quid d’un patron tyrannique qui trouve du sens dans sa façon de diriger ?

Un patron qui malmène son équipe au prétexte d’en tirer le meilleur peut en effet avoir l’impression que cela a du sens. Mais c’est une interprétation erronée du sens au travail car, dans l’environnement professionnel, la rectitude morale et la justice sont essentielles.

Que faire lorsqu’on ressent une perte de sens : modifier sa façon d’exercer son métier ou changer de voie ?

Les deux questions méritent d’être posées simultanément. Déplacer le curseur, ajouter ou éliminer quelques variables permettrait-il de trouver du sens ou, au contraire, atteindre cet objectif passe-t-il par un bouleversement professionnel ? La reconversion ne résout pas tout. Il est possible de donner du sens à son activité en la pratiquant dans des conditions différentes, dans la même entreprise ou ailleurs. C’est la conclusion à laquelle parviennent environ un tiers des individus au terme du processus de réflexion.

Comment savoir si un changement d’orientation professionnelle est la bonne solution ?

Il faut se poser les bonnes questions et, pour cela, se renseigner, s’informer. Il est primordial de verbaliser et d’analyser la situation dans sa globalité afin de réussir à traduire un vague ressenti, voire une intime conviction, en projet professionnel concret. Mieux vaut ensuite « enquêter » sur le métier convoité, parfois fantasmé. Cela signifie rencontrer ceux qui l’exercent, si possible dans des contextes différents, mais aussi ceux qui l’enseignent, assister à des conférences, participer à des salons, etc. Décider d’une reconversion exige un travail d’introspection qui prend du temps. Une exploration personnelle à laquelle un bilan de compétences, procédé aux résultats limités, ne peut apporter toutes les réponses.

Cette remise en cause n’est-elle pas périlleuse ?

C’est tout l’inverse naturellement : le danger, c’est de ne pas s’écouter. Etudier une reconversion, l’appréhender sous tous les aspects, avec ses contraintes, fait progresser. Le seul risque que l’on court à réfléchir est d’élaborer un projet qui pourrait fonctionner.

Le nombre de salariés en quête de sens augmente-t-il ?

C’est évident. Conséquence de la déshumanisation du monde, la sensation de perte de sens tend à se généraliser. La quête de sens au travail, comme dans la vie, se révèle donc salutaire, voire salvatrice, pour un nombre croissant d’individus, tous milieux confondus. Pour répondre à ce besoin, la tendance actuelle est à la création de métiers inédits ou la réinvention de métiers existants grâce à l’ajout de compétences parfois éloignées. C’est le cas du community manager, par exemple, mais aussi celui de l’artisan qui utilise le digital pour innover et valoriser son produit.

5 QUESTIONS À SE POSER EN CAS DE DOUTE

1 – Quelles sont mes attentes sur le plan professionnel ?

2 – Qualifierais-je mon activité d’utile (à moi-même, à mes collègues, à la collectivité) ?

3 – Le décalage entre mes aspirations et la réalité est-il grand ?

4 – Trois changements (ou trois actions) à court terme permettraient-ils de minimiser ce décalage ?

5 – Idéalement, qu’est-ce qui pourrait donner du sens à ma vie professionnelle ?

Source: Capital