Le non-respect du RGPD ne donnera pas lieu à des sanctions les premiers mois

Le secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés livre ses conseils suite à l’entrée en vigueur du RGPD.

Le Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) entre en vigueur ce vendredi 25 mai 2018. Que fait la Cnil ?

Jean Lessi, secrétaire général de la Cnil. © CNIL

Jean Lessi. Le RGPD n’est pas un couperet. C’est une journée qui marque un cap mais qui est dans la continuité. La Cnil poursuit donc le travail entrepris depuis plusieurs mois. Cependant, trois événements sont à noter.Tout d’abord, nous intervenons ce 25 mai à Station F car nous avons une stratégie de communication dédiée aux start-up. Notre présidente Isabelle Falque-Pierrotin s’exprime le même jour sur la scène de Viva Technology devant plus de 1 500 personnes. Enfin, le comité européen de la protection des données, dont la Cnil est membre, va siéger pour la première fois. C’est un nouveau réseau de régulateurs européens. Concrètement, nous pourrons désormais être saisis de dossiers transfrontaliers et appliquer des règles de procédures de coopération européenne.

La Cnil peut donc être saisie dès le 25 mai 2018 ?
Nous recevons déjà des dossiers tels que des réclamations et des plaintes, mais sur des problématiques qui existaient avant le RGPD. A partir du 25 mai, nous allons être saisis de dossiers complètement nouveaux comme par exemple les nouvelles études d’impact, les notifications de violation de données ou les projets de code de conduite. Il y a un gros point d’interrogation quant au volume de dossiers que nous allons recevoir, mais je suis certain que nous en aurons.

Allez-vous sanctionner des organisations dès le 26 mai 2018 ?
Il y a des obligations qui existaient avant le 25 mai et qui existeront toujours après, comme la sécurité des données, la proportionnalité… Tout ce qui est dans la continuité de la loi informatique et libertés actuelles ne change pas l’attitude de la Cnil. En revanche, le non-respect des nouveautés apportées par le RGPD ne donnera pas lieu à des sanctions. Nous donnons une priorité à l’accompagnement dans les premiers mois, sauf manquement grave ou mauvaise foi délibérée. Nous attendons des opérateurs qu’ils s’engagent résolument dans la conformité RGPD. Ne pas être prêt à 100% le 25 mai 2018 n’est donc pas grave pour la Cnil.

Comment allez-vous continuer à accompagner les organisations pour être conformes à ce règlement ?
Nous menons trois types d’actions. Tout d’abord, nous continuons à faire de la pédagogie du nouveau cadre juridique, c’est-à-dire faire des fiches concrètes sur les droits, publier des guides sur la sécurité ou encore l’analyse d’impact. Deuxième action : mettre des outils pratiques à disposition des organismes, notamment des TPE-PME. Nous avons récemment sorti avec Bpifrance un guide qui leur est dédié. Ces derniers jours, nous avons également mis en ligne un nouveau modèle de registre de traitements plus didactique et des modèles de mentions d’informations.

« Nous donnons une priorité à l’accompagnement, sauf manquement grave ou mauvaise foi délibérée »

Quand vous collectez des données, vous devez informer les personnes et avec le RGPD il faut les adapter. Par exemple, il y a des modèles pour l’accès aux locaux professionnels, pour la géolocalisation… Nous en ajouterons de nouveaux au fil de l’eau. Les entreprises et administrations doivent ensuite adapter ces modèles à leur situation mais au moins elles ont une base de départ. Enfin, nous allons amplifier la sensibilisation au RGPD dans les différents secteurs d’activité, via des têtes de réseau (syndicats professionnels, associations de collectivités territoriales, confédérations interprofessionnelles…). Cela nous permet de démultiplier le message et de faire remonter les interrogations de leurs adhérents.

Dans quel état d’esprit sont les PME ?
Nous recevons beaucoup de questions de sensibilisation ou de questions pointues et pratiques du type « que dois-je mettre dans mon registre ? » On ressent une méconnaissance du sujet ainsi qu’une inquiétude car les obligations semblent importantes. Il existe une forme de marketing de la peur de certains acteurs autour du RGPD. Les PME doivent se rassurer car notre priorité est pour l’instant de les accompagner dans leurs démarches. Elles ne sont pas seules, leurs réseaux professionnels et interprofessionnels sont mobilisés. Le Medef et la CPME ont également mis des outils à disposition. L’essentiel est de se lancer dans la démarche et de se poser les bonnes questions. Pour les petits acteurs en général, le RGPD n’est pas une montagne. La plupart des mesures ne les concerne pas. Il peut y avoir des obligations très compliquées avec le RGPD mais quand on fait des transferts internationaux, quand on traite des données très sensibles…

Quelle est votre attitude vis-à-vis des grands acteurs du numérique ?
Le RGPD ne change pas l’attention que la Cnil porte à tous les acteurs et notamment les grandes entreprises. Il change en revanche la boîte à outils et le niveau d’actions en le faisant passer au niveau européen. Dans les relations avec les grands acteurs du numérique, européens ou non, le contrôleur européen de la protection des données (CEPD) peut être une crédibilité supplémentaire pour les Cnils européennes et peut aussi donner de la sécurité juridique à ces grands acteurs transnationaux.

Quels conseils pourriez-vous donner aux entreprises qui appréhendent ce texte ?
Saisissez-vous du sujet de manière constructive. Ne voyez pas ça uniquement comme une contrainte. Bien sûr ce sont des exigences, de nouvelles contraintes comme tenir le registre des traitements. Certaines structures doivent même nommer un DPO (data protection officer, ndlr). Mais il faut aussi voir le RGPD comme l’occasion de faire un peu le ménage dans ses données, de s’interroger sur ses pratiques et de faire des progrès, qui, au-delà du droit, sont de plus en plus demandées par les consommateurs. Ceux-ci attendent que leur vie privée soit respectée.

Autre conseil : échangez dans votre secteur d’activité. Les questions que vous vous posez sont celles que se pose votre voisin. Enfin, consultez tous les outils fournis et vous verrez que vous avez déjà une mine d’informations qui répond à beaucoup de besoins avant de demander une prestation de conseils. Enfin, posez-vous régulièrement des questions : est-ce que mes pratiques sont bonnes, est-ce que je peux les améliorer, ai-je vraiment besoin de collecter ces données ? Car le RGPD est vivant. Il ne suffit pas de s’y mettre une fois et de ne plus s’en préoccuper. Il faut être dans une optique de conformité dynamique.

Source: Journaldunet

2018-05-25T10:50:13+02:0025 mai 2018|Catégories : Digital, ETI, GE, Lois, PME, TPE|Mots-clés : , , |0 commentaire

Formation : ce que les entreprises vont payer

Le projet de loi présenté ce vendredi par Muriel Pénicaud supprime la plupart des exonérations de taxe d’apprentissage.

La version définitive du projet de loi sur la formation à laquelle « Les Echos » ont eu accès confirme que le gouvernement se donne la possibilité de modifier par décret les règles de cumul emploi-chômage . Elle comble surtout le vide de l’article 17 attendu de tous puisqu’il porte sur la facture des entreprises. La réforme pose en effet le principe d’une seule contribution  coiffant les obligations au titre de la formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage.

Dans leur accord, syndicats et patronat avaient maintenu le niveau de cotisation actuel en cumulé : 1,23 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés, 1,68 % au-delà. Le tout ventilé, au prix de savants marchandages, entre la formation des PME, le compte personnel de formation (CPF), le conseil en évolution personnel, l’alternance ou les chômeurs.

Suppression d’exonérations

Au lieu de deux paliers, le projet de loi en prévoit trois (avec des exceptions maintenues pour le Bas et le Haut Rhin et la Moselle notamment) : 0,99 % jusqu’à 11 salariés, 1,48 % de 11 à 249, et 1,60 % au-delà de 250. Si les taux ont été revus à la baisse c’est parce que le gouvernement va supprimer certaines exonérations de taxe d’apprentissage (dont bénéficient les grosses associations rurales par exemple), à hauteur de 600 millions d’euros en année pleine selon les estimations. A noter que les entreprises de 11 employés ou plus payeront en plus une taxe de 0,08 % pour le financement des écoles (ce qu’on appelle le barème).

Période de transition

Sauf que pour en arriver à ce régime de croisière, le projet de loi a instauré une période de transition avec des taux différents pour chacun des trois paliers d’effectifs d’ici à 2023 entre, d’une part, les entreprises assujetties à la taxe d’apprentissage (qui vont voir leur niveau de cotisation baisser) et les autres qui, suppression des exonérations oblige, vont payer plus. Ce faisant, le niveau des prélèvements obligatoires ne bouge pas, explique-t-on de source proche du ministère du Travail.

L’autre grand changement porte sur le circuit que tout cet argent va emprunter. Aujourd’hui ce sont les Organismes paritaires collecteurs agréés (futurs Opérateurs de compétences) qui collectent et reversent. A compter de 2021, ce sont les Urssaf qui collecteront une fois que le gouvernement aura pris une ordonnance en ce sens.

Le fruit de la collecte ira ensuite à la future agence France compétences qui va servir de gare de triage. Elle gardera la partie dévolue au CEP, mais reventilera le reste entre la Caisse des dépôts pour le CPF, l’Etat pour la formation des chômeurs, et les Opérateurs de compétences pour les PME.

La part de la collecte prévue pour l’alternance suivra un circuit différent : l’essentiel ira directement aux Opérateurs de compétences, le solde, dit de péréquation, sera versé à France compétences. Reste à connaître la clef de ventilation vers tous ces dispositifs, mais sur ce point l’article 17 renvoie à un décret.

Source : Les échos

2018-04-12T18:38:42+02:0012 avril 2018|Catégories : ETI, Formation, GE, Lois, PME, Politique, TPE|Mots-clés : , , , , , |0 commentaire

Prélèvement à la source : les entreprises et l’administration ne cachent pas leurs inquiétudes

Le fisc craint notamment des bugs informatiques et de nouvelles suppressions de postes.

L’exécutif vante « le progrès » que représente le prélèvement à la source. Mais à la DGFIP, l’administration de Bercy qui va mener à bien cette réforme, l’inquiétude est de mise. « Cette réforme va modifier en profondeur nos relations avec les contribuables, et malgré l’objectif affiché de simplification, amener une complexité supplémentaire », estime Anne Guyot Welke, de Solidaires finances publiques. En effet, si les employeurs prélèvent l’impôt, le fisc restera au centre du dispositif. Bercy en fait d’ailleurs un argument pour rassurer les entreprises, inquiètes d’être mises à contribution : l’administration restera l’« interlocuteur unique » des contribuables.

« Avec 3 millions d’entreprises et 38 millions de foyers fiscaux, ce n’est pas possible qu’il n’y ait strictement aucun incident. Nous nous organisons pour qu’il y en ait le moins possible et, quand cela arrive, pour les corriger au plus vite », démine Bruno Parent, le patron de la DGFIP. Des tests grandeur nature avec les entreprises vont continuer à être réalisés, et un dispositif d’assistance est mis en place afin de répondre aux questions des particuliers et des employeurs.

« Flou artistique »

Quant aux craintes des syndicats sur de nouvelles suppressions de postes, le but de la réforme « n’est pas de gagner en productivité à la DGFIP. Ce pourra être une des conséquences du prélèvement à la source en régime de croisière mais dans des proportions modérées, peut-être quelques centaines d’emplois » assure M. Parent, qui rappelle qu’aujourd’hui, « le recouvrement de l’IR est déjà extrêmement automatisé ».

Côté entreprises, rien ne changera pour celles qui utilisent un logiciel de paie, assure Bercy : elles doivent juste s’assurer qu’il est à jour. Les patrons, surtout de PME, sont moins confiants. « Le chef d’entreprise n’est pas là pour jouer les percepteurs. De quel droit j’irai demander à mes salariés leur taux d’imposition ? », s’indigne Vincent Laudat, président de la chambre de commerce et d’industrie Seine-Mer-Normandie. A la tête de deux PME de moins de vingt salariés, il gère aujourd’hui l’édition des feuilles de paie par le biais du site de l’Urssaf, Tese. Pour le moment, rien ne figure en ligne sur le futur dispositif de prélèvement…

« C’est un peu le flou artistique », confirme Alexis Bamy, directeur général de HTS Bio, spécialisé dans la fabrication de produits écologiques pour le nettoyage et l’aquaculture. « Non seulement, nous allons devoir collecter l’impôt pour l’Etat, mais, en plus, cela nous sera facturé », regrette-t-il, inquiet de voir l’organisme d’expertise comptable auquel il sous-traite la paie augmenter ses tarifs.

L’Union des artisans, commerçants et professions libérales (U2P) a annoncé, mardi 10 avril, le lancement d’une campagne et d’une pétition pour dénoncer le futur dispositif. Le Medef, lui, avait réclamé, fin mars, un moratoire d’un an… Catégoriquement refusé par le gouvernement.

Source: Le monde

2018-04-11T15:55:51+02:0011 avril 2018|Catégories : ETI, GE, Lois, PME, TPE|Mots-clés : , , |0 commentaire

Comment intéresser les salariés aux résultats de leur PME?

L’idée d’associer les salariés aux résultats des petites entreprises est au menu du projet de loi Pacte, qui sera présenté en Conseil des ministres en avril. Le chercheur Patrice Roussel explore les liens subtils entre motivation et rémunération, et analyse les conditions pour qu’une telle mesure puisse réellement profiter aux salariés et favoriser le développement de l’entreprise.

La France compte près de 4 millions de PME ou TPE, dont la très grande majorité sont des microentreprises. Elles emploient quasiment un salarié sur deux et réalisent environ 45 % de la valeur ajoutée du tissu productif hexagonal. Mais beaucoup peinent à croître et à faire grandir leurs équipes. Vous venez de conclure une convention de recherche de trois ans avec une entreprise de taille moyenne, dédiée à l’efficacité des politiques de rémunération sur l’engagement et la performance des salariés. Qu’en retenez-vous ?
Patrice Roussel : Que l’argent n’est pas le nerf de la guerre. Dans le cadre théorique dit de l’autodétermination, nous partons du principe qu’il existe deux formes de motivation au travail : l’une intrinsèque ou autonome, lorsqu’un individu a choisi son métier ou l’exerce par passion, par exemple ; et l’autre extrinsèque ou contrôlée, dont le meilleur exemple est le « job alimentaire », encouragé par le salaire ou d’autres récompenses.

Pour des raisons évidentes, la première est plus souvent associée au bien-être et à la performance que la seconde. Mais il y a parfois débat sur la rémunération : certains travaux considèrent que les augmentations poussent les salariés vers de la motivation contrôlée – qu’ils ne travaillent plus que par appât du gain, pour schématiser –, d’autres envisagent qu’elles ne nuisent pas à la motivation autonome. Nos dernières recherches permettent d’affirmer que l’argent reste dans l’absolu une récompense sans effet sur l’engouement intrinsèque des salariés.

Néanmoins, si une entreprise travaille en amont sur son organisation et sur son management pour impliquer les salariés, les augmentations peuvent consolider ou renforcer la motivation autonome qui en découle. L’argent ne fait pas le bonheur mais peut y contribuer, autrement dit.

Quel cadre mettre en place pour que le volet financier ait un effet sur le bien-être et la productivité des salariés ?
P. R. : La théorie de l’autodétermination préconise de jouer sur trois leviers, qui nous semblent bien établis dans les faits. D’une part, les systèmes de rémunération doivent accompagner ou plutôt confirmer une montée en compétences de l’employé : lorsqu’une augmentation couronne une promotion par exemple, elle renforce la motivation intrinsèque ; tandis qu’avoir 5 % de plus chaque année sur la fiche de paye, alors qu’on stagne dans sa carrière, pousse à considérer son travail comme alimentaire. D’autre part, une entreprise doit donner de l’autonomie à ses salariés et leur offrir des opportunités d’avancement en accord avec ce qu’ils souhaitent – le pire étant, à l’inverse, de sanctionner quelqu’un prenant des initiatives…

Un des problèmes majeurs de nos entreprises est de s’en tenir à une vision technico-administrative de la motivation.

Enfin, le sentiment d’appartenance à un groupe, une équipe de travail par exemple, est un facteur important de bien-être. Faire jouer la concurrence entre salariés, les mettre en compétition avec des systèmes de prime au mérite ou au détriment des collègues, par exemple, n’est pas un facteur de motivation.

Mieux vaut aller vers des systèmes de rémunération qui renforcent le sentiment d’appartenance à une « grande famille », pour ainsi dire. Un des problèmes majeurs de nos entreprises est de s’en tenir à une vision technico-administrative de la motivation, et de ne pas mettre en place un cadre de travail qui permette aux politiques de rémunération d’avoir un effet positif.

Pourquoi des incitations telles que la participation ou l’intéressement des salariés ont-elles manqué d’efficacité jusqu’à présent ?
P. R. : Parce que ce sont devenus des droits, des acquis, mais vidés de leur substance « participative ». À l’origine, l’idée est de faire rejaillir les bénéfices de l’entreprise sur la rémunération des salariés selon leur implication. Cela semble donc aller dans le bon sens et renforcer le sentiment d’appartenance au groupe notamment. Mais dans les faits, de nombreux travaux ont montré qu’ils étaient inefficaces et pour une raison majeure : ils sont déconnectés de l’engagement effectif des employés dans les projets de leur entreprise. C’est toujours le même schéma, autrement dit. Si vous vous contentez de reverser de l’argent sous forme d’augmentation, sans y associer une politique managériale plus vaste, cela reste sans effet sur la motivation intrinsèque. En revanche, lorsque le management associe en amont des équipes à la définition d’objectifs, des moyens de les atteindre, et qu’en bout de chaîne une réussite se traduit par une rétribution, sous forme d’intéressement ou de participation, alors l’implication des salariés – déjà effective – se trouve consolidée. Les entreprises se basent généralement sur des ratios purement financiers par commodités, notamment les très grandes qui définissent leurs objectifs loin de la base, mais c’est une fausse piste. Ces outils devraient toujours être utilisés comme prétextes pour une politique managériale réellement participative.

La loi Pacte, pour autant qu’on en connaisse les contours aujourd’hui, pourrait-elle changer la donne ?
P. R. : Depuis la création de la participation en 1967, plusieurs modifications ont été apportées à la loi mais elles ont eu peu d’effets sur les PME. Un premier écueil à éviter pour la future loi serait donc de se contenter d’étendre la participation aux PME et de ne rien faire d’autre. Actuellement, seules les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place une forme de participation, et l’idée serait d’abaisser le seuil à onze employés. Cela concerne des millions de salariés. Outre les limites que nous avons évoquées – qui relèvent davantage du management que de la politique –, il faut savoir que cela pourrait rester sans effet dans la plupart des cas.

Un premier écueil à éviter pour la future loi serait de se contenter d’étendre la participation aux PME et de ne rien faire d’autre.

Reverser de l’argent est réellement obligatoire lorsque les bénéfices sont supérieurs à 5 % des capitaux propres de l’entreprise, ce qui n’est pas le cas de l’immense majorité des PME. Il me semble donc nécessaire de supprimer cette règle. Le projet de loi envisage un assouplissement de la formule de calcul, mais cela est encore en débat à ma connaissance. J’ai eu l’occasion d’expérimenter en PME des formules de calcul fondées sur le résultat courant avant impôt qui ont un impact positif sur les primes versées aux salariés.

Autre problème à régler : les petites entreprises ne disposent généralement pas des ressources internes pour gérer ce type de dispositifs, et on ne va pas les obliger à embaucher un DRH. Pour que ce projet soit réaliste, il serait crucial de créer un lien avec les syndicats de branche et les réseaux bancaires régionaux pour décentraliser le volet administratif.
Enfin, il semble que la loi Pacte prévoit de moduler la fiscalité des PME, leur « forfait social » notamment, en vue de soutenir leur effort à mettre en œuvre la participation financière. Mais il faut savoir que ce forfait a varié de zéro à vingt depuis les années 1980, et que cela n’a eu aucun effet notable.

Pourquoi le fait d’aider les PME à devenir des entreprises de taille intermédiaire est-il si important ?
P. R. : Une fragilité du modèle français, par rapport à l’Allemagne ou à l’Italie par exemple, est de concentrer l’essentiel de son activité dans de petites et très grandes entreprises. Nous manquons d’établissements intermédiaires, de PME de 300 salariés par exemple. Or, cela affaiblit nos capacités de production. Les entreprises de vingt ou trente employés ne peuvent pas accompagner le développement des plus grosses comme il le faudrait, leur fournir des pièces ou de la main-d’œuvre en quantité importante, par exemple. Elles ne peuvent pas non plus rivaliser à l’export avec des concurrents de taille plus importante, sur les marchés américains, chinois ou encore russes. D’autre part, les PME sont bien en peine de s’imposer dans des négociations, des petites productions agricoles n’ont pas de poids face aux distributeurs en grande surface, par exemple. À l’inverse, dans l’entreprise où nous avons mené notre étude par exemple, sept exploitations viticoles se sont associées pour mieux se défendre sur les marchés. Cela leur a immédiatement donné une force de frappe pour négocier leurs prix, s’imposer en France et à l’export, et même lancer des projets d’innovation – développer une agriculture bio par exemple. Enfin, les PME hésitent souvent à embaucher lorsqu’elles sont au seuil de 50 salariés, car leur gestion devient aussitôt plus complexe. Il y aurait une réflexion à mener sur les obligations légales qui découlent du nombre de salariés, pour que les PME puissent grandir sans se saborder.

Source : CNRS Le journal.

2018-04-13T02:27:05+02:0019 mars 2018|Catégories : Lois, PME|Mots-clés : , , |0 commentaire
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