Augmentations, attributions de responsabilités, obtention de «statut» plus élevé… La reconnaissance en entreprise et ses systèmes de récompenses peuvent aussi nuire au moral des salariés !

C’est un sujet épineux, on ne peut plus d’actualité en cette période d’attribution d’augmentations – en hausse dans l’ensemble des secteurs cette année – et de bonus divers et variés. Les systèmes de reconnaissance et de récompense dans l’entreprise sont, dans l’ensemble, des sujets de discorde. Et ils peuvent changer considérablement une atmosphère de travail. Le Wall Street Journal y consacre un long article. Attribuer à un collaborateur un bureau avec une fenêtre, donner des responsabilités à une personne, convier un jeune collaborateur prometteur à une réunion importante… Tous ces marqueurs positifs de reconnaissance, de bienveillance, engendrent a posteriori des dommages collatéraux parfois aussi désastreux qu’imprévisibles !

Il suffit parfois d’une faveur à un collaborateur pour déséquilibrer totalement l’osmose d’une équipe. Comme dans le jeu de société «Jenga», déplacer une pièce peut détruire complètement la tour. Naturellement, peu de managers raisonnent en ces termes dans leur prise de décision. La solution n’est pas, évidemment, de stopper tout système de récompense et de faire régner un management sans pitié et/ou inhumain. Mais les managers doivent prendre conscience des conséquences potentielles lorsqu’ils décident de récompenser un salarié. Même si cette récompense est légitime !

Des conflits dévastateurs à cause du «statut»

La question du «statut» d’un collaborateur est essentielle! Un conflit lié au statut peut avoir des conséquences catastrophiques pour l’entreprise concernée, selon une étude réalisée par les professeurs Corinne Bendersky et Nicholas Hays de l’Université de Californie et Michigan State University. Ils ont constaté que les conflits liés au statut étaient dévastateurs. Exemple: lorsque des membres d’une équipe évoquent leur diplôme ou leur statut plus élevé, ce qui implique un droit au respect plus important, et l’autorisation d’être davantage écouté qu’un autre. C’est le syndrôme du «petit chef»: plus il y a de «petits chefs» dans une équipe, plus on va droit à la catastrophe. Autrement dit, une équipe dans laquelle tout le monde a un statut va au devant de graves ennuis relationnels !

La clef pour éviter les guerres d’ego liées aux statuts? Réussir un numéro d’équilibriste qui consiste à minimiser l’importance de ces statuts et réduire le plus possible les différences entre les membres d’une même équipe, dans un premier temps. Ensuite, il convient d’accroître la tolérance vis à vis des différences, et d’adapter les systèmes de récompense selon les personnalités. Notons également qu’une plus grande diversité des genres dans les équipes peuvent aider à créer cette équilibre. Enfin, la tentation de réunir «les meilleurs» au sein d’une même équipe n’est pas forcément le calcul gagnant… Selon une étude de la Harvard Business School, trop de membres de haut niveau dans une même équipe est davantage propice aux conflits qu’à des performances stratosphériques !

Preuve que les statuts et les intitulés de postes font l’objet de fantasmes: la tendance à exagérer son poste et son activité sur les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn ou Viadeo. Mais la vraie révolution, ce sont les mots qui inondent le jargon interne, et notamment les intitulés de postes, toujours plus créatifs et farfelus. Ninja, évangéliste, gourou, responsable du bonheur… «D’une manière générale, je suis convaincue que cette effervescence sémantique est positive et libératrice, précisait il y a quelques mois au Figaro Sophie Chassat, philosophe et fondatrice d’une agence de conseil en identité verbale. À l’heure où on essaie d’inventer de nouvelles manières de faire l’entreprise et de travailler, de mettre en place de l’inédit au sens propre du terme, il reste à trouver les nouveaux mots pour le raconter! C’est un «Printemps de la langue corporate», si vous voulez. C’est quand même plus excitant qu’une stagnation !»

Source : Le Figaro