Ils représentent la bagatelle de 75 milliards d’euros par an, mais les PME en sont souvent exclues. Pourtant, des efforts sont faits pour les remettre dans le jeu des appels d’offres publics.

Aux origines de la PME familiale Abena-Frantex (160 salariés) de Nogent-sur-Oise (Oise), il y a Josette Maillot, la grand-mère. Elle fonde en 1976 la société, avec cette idée : fabriquer et distribuer aux hôpitaux des changes à usage unique (couches pour adultes, alèses, vêtements médicaux). Et cela marche. À peine créée, la société remporte un appel d’offres de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP). Un gros contrat qui lui assure 70 % de son chiffre d’affaires et permettra à la société de se développer.

Quarante ans plus tard, le petit-fils, Olivier Barbet-Maillot, a récupéré les rênes de l’entreprise et le succès est toujours là. Entre 2013 et 2018, le chiffre d’affaires annuel est passé de 45 à 67 millions d’euros. Mais il existe une différence de taille : les hôpitaux n’apportent guère plus de 20 % du chiffre d’affaires. « La situation économique de ces établissements étant mauvaise, ils nous payaient avec neuf mois de retard. Il faut comprendre que nous, les petits entrepreneurs, nous mourons si nous n’avons pas suffisamment de trésorerie. Il y a cinq ans, nous avons donc décidé de faire un gros tri et de nous positionner seulement sur quelques appels d’offres d’acheteurs publics », explique Olivier Barbet-Maillot. Une histoire finalement assez banale…

Un nombre de contrats en baisse

La part des PME dans la commande publique ne cesse de diminuer ces dernières années. Entre 2014 et 2017, elle est passée de 62 % à 57,5 % en nombre de contrats et de 33 % à 29,4 % des montants, note la direction des affaires publiques de Bercy. « À la CPME, seulement 30 % de nos adhérents répondent aujourd’hui à ces appels d’offres », constate Frédéric Griot, vice-président de l’organisation patronale et président en son sein du groupe de travail sur les marchés publics.

Pourtant, « remporter un marché public, c’est une véritable opportunité pour les PME. La commande publique représente 75 milliards d’euros par an et tous les secteurs sont concernés : travaux, fournitures, services. Avec une commande publique, une PME peut se lancer, durer, se développer », argumente Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises. C’est la raison pour laquelle, depuis 2016 (*), l’Etat multiplie les mesures pour favoriser l’accès des PME aux marchés publics.

Revue de détails des obstacles récurrents et des efforts pour les lever.

Les retards de paiement ? « Les acheteurs publics ont fait énormément d’efforts. Aujourd’hui, on arrive à une moyenne de douze jours de retard. Du côté privé, on est sur la même moyenne », met en avant le médiateur des entreprises. Et pour une PME qui remporte un appel d’offres, l’Etat lui donne depuis l’automne dernier les moyens de réussir. Elle lui avance non plus 5 % du montant du marché mais 20 %, et n’applique une retenue de « garantie » que de 3 % maximum (au lieu de 5 % avant).

La complexité des règles ? C’est un obstacle majeur pour le patron de PME, qui peut perdre un temps excessif à répondre à un appel d’offres. Courant avril, le gouvernement va publier un code de la commande publique regroupant tous les textes législatifs et réglementaires sur le sujet. Résultat : le volume des règles devrait être réduit de 40 %.

Des appels d’offres « calibrés » pour les grands groupes ? C’était vrai avant 2016 et le nouveau cadre légal en vigueur. Il oblige les acheteurs à découper leur offre en lots accessibles aux PME.

Une PME du BTP, contrairement aux grands groupes, n’a pas la structure nécessaire pour construire tout un hôpital. En revanche, elle peut remporter un lot, celui de la plomberie par exemple. Et ce sera une grande opportunité pour elle. Les TPE et PME ont ainsi accès à des tranches de marché – alors que la totalité était jusque-là réservée de facto aux plus gros – et ces marchés nouvellement ouverts pèsent quand même 1,5 milliard d’euros par an.

La loi hégémonique du mieux-disant financier ? C’est en train de changer. Depuis 2016, les acheteurs publics sont incités à choisir « l’offre économique la plus avantageuse », ce qui ne veut pas forcément dire la moins chère dans l’immédiat, mais la plus économique sur le moyen et long terme (par exemple grâce à des produits de qualité s’usant moins vite, un bon service après-vente, etc.). Un terrain sur lequel les PME peuvent souvent être compétitives.

Décrypter un appel d’offres

Avec la dématérialisation, tous les appels d’offres publics sont désormais accessibles à tous sur la plate-forme BOAMP. Y avoir accès c’est bien, les comprendre c’est mieux. Car un appel d’offres c’est un peu comme une annonce immobilière. Quand on en lit une pour la première fois, on prend tout au pied de la lettre. « Logement atypique » est ainsi interprété comme « plein de charme ». En réalité, cela veut dire : pièce mansardée dans laquelle on ne tient pas debout partout !

Même chose pour l’appel d’offres : quand on parle de « procédure adaptée », cela veut dire que le montant du marché est inférieur à un certain montant (134 000 euros hors taxes pour les marchés de fournitures et de services de l’Etat et des établissements publics), et que toutes les entreprises peuvent postuler. À l’inverse « Procédure formalisée » veut dire que le montant du marché est supérieur et soit l’acheteur public ouvre l’appel d’offres à tous (il est « ouvert »), soit il a déjà présélectionné quelques entreprises qui sont seules habilitées à candidater (l’appel d’offres est « fermé »). Ainsi, en décryptant déjà ces seuls termes, une entreprise saura si elle peut se pencher sur le dossier ou doit passer son chemin. Mais ce n’est que le début. Il faut ensuite regarder les critères d’attribution.

Olivier Barbet-Maillot, PDG d’Abena-Frantex, a de la pratique dans le domaine. Et il connaît non seulement très bien les forces de son entreprise, mais aussi celles de ses concurrents. « A la lecture de certains critères, je comprends toute de suite si l’acheteur public vise plutôt tel ou tel fournisseur. Selon que j’ai une chance ou non de l’emporter, j’y vais ou pas », explique-t-il.

Comment se faire aider

Chambres de commerce et de l’industrie ou associations rassemblant les professionnels publics et privés autour de l’enjeu de l’achat public offrent des formations et mettent à disposition des experts qui aident les patrons de PME à décrypter ces appels d’offres. Par ailleurs, il y a toujours le Guide de la médiation des marchés publics, à destination des PME, baptisé « Osez la commande publique ». Il propose tout un chapitre consacré au « décryptage de documents de marché » et guide également le lecteur sur la manière de répondre à un appel d’offres. Une nouvelle version, actualisée, est prévue en avril.

(*) Le 1er avril 2016 sont entrées en vigueur les nouvelles règles concernant la passation des marchés publics. L’objectif de la réforme était de moderniser et simplifier le droit des marchés publics en faveur des entreprises et de l’innovation.

Source : leparisien