Engager ses clients pour en conquérir de nouveaux. Facile à énoncer, le principe de l’advocacy marketing n’est pour autant pas facile à susciter. Le magazine Marketing s’est penché sur le sujet lors d’une table ronde, organisée le 24 avril, et réunissant ceux qui s’en chargent, au quotidien.
Wow ! C’est souvent ce que suscite le WOMM quand on parle de son retour sur investissement. Et pour cause, selon une étude menée par Nielsen et l’ESCP Europe pour TRND, le ROI moyen du Word of Mouth Marketing, anglicisme pour bouche à oreille, est de 3,93 €. Un chiffre corroboré par l’association mondiale du WOMM qui estime que plus de la moitié des ventes serait impactée par ce type de recommandation. Ancestrale, cette capacité de prescription des consommateurs les uns avec les autres a pris une nouvelle vigueur sous l’ère numérique. « Le bouche-à-oreille est la manière la plus convaincante de promouvoir une marque et de séduire de nouveaux consommateurs », affirme Margaux Dauce, Brand Content Manager chez Michel et Augustin. Créée en 2004 (Danone Manifesto Ventures a pris part au capital en 2016), la marque a, selon sa baseline, des « trublions du goût aux fourneaux, à la plume et aux commandes ». Pas étonnant donc que sa stratégie d’influence diffère quelque peu des pratiques généralement consacrées. « Nous n’avons recours à aucune solution d’automatisation, nous n’avons pas d’équipe marketing à proprement parler, et nous n’aimons pas solliciter les gens pour qu’ils parlent de nous ! On préfère raconter, partager, faire vivre notre aventure avec tous les gourmands et curieux qui nous suivent et en faire des ambassadeurs de marque, qui ont envie de parler de nous spontanément », poursuit-elle.
Trouver des relais
Quelle que soit la méthode, l’enjeu de l’advocacy marketing demeure identique : conquérir de nouveaux clients en s’appuyant sur des ambassadeurs – voire des « co-marketeurs », soit une extension engagée d’un service marketing. Ce nouveau phénomène lancé par TRND replace les consommateurs au cœur des réflexions stratégiques. Mais comment identifier les relais les plus influents ? « Il y a les micro-influenceurs qui permettent à une jeune entreprise de gagner rapidement en visibilité, répond Hadrien Louyot, Digital Brand Manager chez Izipizi (ex See Concept). L’autre atout, c’est lorsque des personnalités comme Inès de la Fressange ou Chiara Ferragni qui partagent nos valeurs communiquent spontanément sur nos produits. Et bien sûr, le réseau de distribution n’est pas anodin. Être présent dans des concept-stores pointus comme Colette, Merci ou le MoMA à New-York nous offrent une visibilité mondiale, tout en étant vu par des consommateurs à la capacité de prescription très élevée. » Idem du côté de Chez Chic des plantes, spécialiste d’infusions bio et Made in France, qui mise sur le BtoBtoC. « Les clients reviennent sur notre site ou dans nos points de distribution premium après avoir découvert les produits dans un institut, un restaurant ou une chambre d’hôtel », explique Laura Guillemin, la cofondatrice. Et lorsque ce n’est pas spontanée, ne pas hésiter à provoquer. Pour créer du buzz et générer du contenu positif, chez PagesJaunes/Solocal Group, a été déployée une équipe composée d’une centaine de collaborateurs ambassadeurs, qui partagent et interagissent avec les publications que nous faisons sur Solocal et ses filiales (PagesJaunes, Mappy…), afin d’en « démultiplier la visibilité et l’impact » expose Daniel Lemin, responsable communication digitale.
Être instragrammable
Une fois le contenu crée, encore faut-il le diffuser. Et à ce niveau, c’est Instagram qui est la plateforme préférée la plus performante. « Le contenu doit être conçu notamment dans cet objectif », avertit Matthieu Escande, cofondateur du Chocolat des Français qui mise sur des packagings singuliers, travaillés et conçus, régulièrement, par des artistes. La marque qui a, en 2017, écoulée 450 000 tablettes, s’est même associée à Instagram pour une collection capsule imaginée par quatre illustratrices autour de « la bienveillante du corps des femmes ». Une édition limitée vendue en exclusivité sur l’e-shop et « sharable » via le hashtag #croquonslesclichés. Même stratégie chez Chic des plantes, qui entend réinventer le secteur des infusions. « Nous avons fait le choix de la transparence pour mettre en avant nos mélanges de plantes. C’est très photogénique et donc un levier intéressant pour séduire de nouveaux distributeurs ».
Penser à la viralité des contenus
Pour encourager la production et le partage de contenu dédié, la marque doit donc penser à la viralité de ses produits ou services dès leur conception. « Pour créer un lien d’appartenance avec la marque, une vidéo mettant en scène la conception et/ou la production du produit se révèle particulièrement efficace », témoigne Robert Acouri. L’autre astuce, c’est bien sûr de collaborer avec des personnalités influentes. « Nous nous associons en amont avec des designers influents dans leur métier mais aussi leurs réseaux. Pour le coup on est sur une définition littérale de la « co-conception », poursuit le chef d’entreprise. Quant à Margaux Dauce, elle préfère mettre l’accent sur « la cohérence globale des contenus ». « Avec les trublions du gout, on a créé une tribu et une histoire autour d’une marque, ou plutôt d’une aventure, sympa, authentique, décalée. Nos contenus doivent reprendre ses codes », insiste-t-elle. Chez TRND, c’est l’expérience qui prime ! » La viralité passe par la recommandation – physique ou virtuelle – et pour convaincre efficacement ses pairs, il faut avoir pu s’approprier le produit et en découvrir les bénéfices soi-même » explique Delphine Benedic, spécialiste du marketing collaboratif.
Développer la cocréation
Parmi les leviers efficaces d’Advocacy marketing figure la co-création. Eh oui, l’innovation n’est plus réservée à la seule R&D. Désormais, elle se partage. « Constamment à l’affût de bonnes pratiques pour être toujours plus proche du client, nous sommes investis dans la cocréation avec nos clients à travers des ateliers. De ces derniers est née une gamme bébé pensée et créée avec des mamans », se félicite Axelle Marot, chargée des relations influenceurs chez Gémo (groupe Eram). Parallèlement, nous avons également coconstruit une collection avec l’influenceuse grande taille Lalaa Misaki. Cette collaboration a permis de répondre à des attentes formulées par sa communauté sur des problématiques produit ». Autre exemple : Michel & Augustin invite régulièrement ses clients dans son siège social (baptisé la bananeraie) pour une visite de l’entreprise des « trublions du goût », et un échange avec les équipes autour du choix d’un nom de produit ou d’une recette. Un phénomène qui n’est pas le seul apanage du BtoC. Tel est le cas du groupe Cider, spécialisé dans l’aménagement et l’ameublement de sièges sociaux. « Via les réseaux sociaux, nous demandons l’avis des futurs utilisateurs sur l’aspect ergonomique, esthétique ou environnemental de nos produits », répond Robert Acouri, le fondateur. Du coté de PagesJaunes/Solocal Group, on active aussi des communautés en ligne pour valider des concepts. « Nous avons mis en place un espace Lab pour que nos utilisateurs testent des concepts (chatbot) ou de nouvelles fonctionnalités et surtout nous donnent leur avis », précise Daniel Lemin. Impossible donc, aujourd’hui, de négliger l’avis des consommateurs. « Les marques ont compris qu’elles devaient impliquer le client tout au long du cycle de vie de leur produit ou service, et ce, dès la phase de développement », souligne Delphine Benedic, directrice marketing chez TRND.
Mesurer l’influence
En influence digitale, comme pour toute campagne marketing, pouvoir mesurer les résultats constitue un enjeu crucial. « On ne peut pas tout mesurer en raison du Dark Social type Whatsapp et Facebook Messenger, constate Delphine Benedic. Cependant, les contenus générés par les consommateurs (UGC), ainsi que l’engagement et le reach associés sont de bons indicateurs d’impact d’une activation d’influenceurs ». Pour vérifier l’engagement de leurs clients, les marques peuvent par exemple suivre la popularité de leurs hashtags, les visites sur leur site ou dans leurs points de vente selon la cible de la campagne. D’après nos experts, YouTube semble le réseau le plus facile à tracker. « On avait organisé un concours sur nos réseaux sociaux afin de trouver une ambassadrice Youtube pour la marque parmi nos communautés, détaille Axelle Marot. On pensait avoir du mal à trouver. On a finalement comptabilisé 5000 participantes ! ». Sloggi (Groupe Triumph International) privilégie également ce support. « Nous utilisons YouTube depuis le lancement de notre ligne sloggi Wow Comfort l’année dernière, avec un focus également cette année avec la ligne Zero Feel », ajoute Amandine Viroux, Digital and PR Manager chez sloggi France. « Dans le cadre d’une campagne d’influence, YouTube permet notamment de toucher une cible plus jeune et d’accroitre la notoriété d’une marque ».
Gérer les avis
Qu’ils soient positifs ou négatifs, les avis des clients doivent tous, sans exception, être traités. « Dans tous les cas, il faut répondre vite, poliment, de manière simple et personnalisée », complète Laura Guillemin. Chez Michel et Augustin, c’est la « boulangère de quartier », qui gère la relation client. « Elle répond à chaque demande de manière personnelle et avec empathie, en ayant pris le temps de lire les messages en intégralité », détaille Margaux Dauce. « On peut aussi répondre en vidéo ou par des messages vocaux, sur Snapchat et Facebook ». Robert Acouri va mettre en place un chat spécifique sur son nouveau site e-commerce dédié aux petites structures. Matthieu Escande (Chocolat des Français) est aussi attentif. « Lorsqu’un client n’est pas satisfait, on l’appelle et on essaye de comprendre ce qui lui a déplu et on lui propose d’essayer une autre recette. Très souvent, les clients mécontents deviennent à leur tour des ambassadeurs de la marque ». Pour Delphine Benedic, les avis négatifs sont même nécessaires : « Ils apportent une certaine crédibilité, authenticité à la mécanique de dépôt d’avis et sont également sources de feedbacks. Au sein des communautés TRND, on prône des avis constructifs afin de pouvoir améliorer l’offre concernée. » Dans certains cas, ce sont les clients eux-mêmes qui peuvent répondre. « La réponse a beaucoup plus de poids lorsque ce sont nos propres clients qui répondent aux questions postées sur nos réseaux sociaux », conclut Axelle Marot (Gémo). Dans ce cas, même les commentaires négatifs deviennent des échanges positifs !
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