En entreprise, la confiance engendre la motivation des salariés, la collaboration… mais également la confiance en soi du chef d’entreprise ou du manager.

Dans la vie, il y a deux types de personnes selon moi : celles qui font confiance et celles qui disent « la confiance n’exclut pas le contrôle » [devise notamment de l’Inspection de la Banque de France, NDLR].

Lorsque l’on vous demande si vous arrivez facilement à faire confiance, si vous vous empressez de répondre que « la confiance n’exclut pas le contrôle », c’est un signe qu’il serait intéressant de faire un peu d’introspection. (…)

Que veut dire « faire confiance »?

« La confiance existe entre deux acteurs mutuellement dépendants lorsque la relation établie procure à chacun un sentiment de sérénité lié à l’espérance que ses intérêts seront préservés par l’autre dans une situation donnée » (Katensky). Faire confiance, c’est avant tout faire confiance à quelqu’un (par extension, à un groupe, à un système, à un outil). La confiance se joue essentiellement dans la relation interpersonnelle. C’est un calcul conscient ou inconscient que nous utilisons comme un moyen de réduction de l’incertitude inhérente aux relations de travail. « Mutuellement dépendants » suppose que vous avez des enjeux, des objectifs, des intérêts qui se croisent et qui fait que la question de faire confiance se pose ou non.

Le grand paradoxe de la confiance, c’est qu’elle comporte à la fois l’augmentation d’un risque et la réduction d’une incertitude.

Le risque augmenté, c’est celui d’être trahi, déçu, vulnérable. La réduction de l’incertitude, c’est le fait que faire confiance vous fait lâcher prise sur la multiplication des garanties et la recherche de contrôle, souvent impossible en milieu incertain.

C’est ainsi que la confiance réduit la complexité de l’environnement en remplaçant l’incertitude d’une situation par une assurance intérieure que la personne digne de confiance préservera vos intérêts. (…)

C’est pour cette raison que vérifier et contrôler derrière ses coéquipiers pose des limites en matière de confiance : pour vous, cela annule l’effet libérateur en décalant dans le temps la nécessité de devoir vous confronter à la gestion de cette incertitude et cette complexité à moitié déléguée. Pour l’autre, c’est la désagréable impression de recevoir un message contradictoire (« je te fais confiance, mais je m’assure quand même que tu ne vas pas me décevoir »). Cela transforme la confiance en « confiance conditionnelle ». Transposez la notion de confiance au domaine de relation de couple : « Bien sûr, je te fais confiance chéri(e), par contre donne-moi ton téléphone, je vais vérifier tes SMS du mois écoulé. La confiance n’exclut pas le contrôle. Non, je ne peux pas te laisser dire que c’est un manque de confiance, tu confonds tout… » Je n’ai jamais essayé, mais j’imagine que cela ne fonctionne pas et que, pour que la confiance engendre des relations « sereines et enrichissantes », il ne peut pas y avoir de menace, de condition, de chantage, ni d’épée de Damoclès au-dessus de la tête de celui qui reçoit votre confiance.

Enfin, Mayer, Davis et Schoorman identifient trois clés qui conditionnent notre confiance envers quelqu’un. Il s’agit de notre perception de :

  • sa bienveillance : empathie , écoute , soutien, sens du compromis;
  • son intégrité : parole fiable, cohérence entre les actes et les discours, honnêteté, équité, décisions justes;
  • ses compétences : savoir-faire, technique et relationnel, maîtrise de son sujet, pertinence.

1. Un enjeu de management

Quand vous dites à vos collaborateurs que vous allez contrôler leur travail car la confiance n’exclut pas le contrôle, eux entendent : « Oui oui, j’ai une entière confiance en toi bien sûr! Mais montre quand même pour voir si tu en es digne. » L’équivalent d’une confiance bardée de conditions et de préalables. Bien sûr, il y a des moments où il est nécessaire d’être le garant de la qualité de ce qui est produit. C’est même le rôle du manager. L’équilibre est ainsi subtil et dépend de l’enjeu de la tâche et de l’autonomie de la personne managée. Le sujet est donc celui d’adapter son mode de management en fonction des situations et de préférer, par principe, la surconfiance au surcontrôle. Si je me réfère à l’étude sur la quête de sens que j’ai réalisée en avril 2020*, le manque de confiance et d’autonomie arrive en deuxième position des facteurs destructeurs de sens au travail. Quand on connaît le coût de la démotivation et du désengagement au sein des entreprises françaises (98 milliards d’euros selon l’étude IBET 2018, menée par Mozart Consulting et Gallup), cela fait réfléchir sur la nécessité d’accorder sa confiance, quitte à prendre sur soi et à réguler ses besoins de contrôle.

2. Un enjeu de coopération

La confiance est un prérequis à la coopération . La coopération est toujours un échange social, fait notamment de don et de contre-don de la confiance. Accorder sa confiance, recevoir celle des autres et rendre notre confiance à quelqu’un qui vous a donné la sienne sont les trois actions qui structurent la coopération, et qui ne sont pas si simples à réussir et à tenir sur la durée.

3. Un enjeu pour l’estime de soi

Si je fais confiance à quelqu’un sur quelque chose, j’accepte de m’ouvrir à ce quelqu’un (sur un besoin d’aide, une vulnérabilité). J’accepte de me dévoiler et je me sens donc plus aligné avec moi-même (réduction du syndrome d’imposteur ou de l’impression de dissimuler des choses). Cet alignement personnel est un facteur d’augmentation de l’estime de soi.

Source : Business-lesechos